Le
second tour vient de se terminer avec les résultats définitifs
suivants :
Abstention
: 34,7 %
Liste Jean-Paul Huchon, reélu président de région
1 922 539 voix; 49,15 % exprimés; 130 sièges
Liste
Jean-François Copé
1 593 566 voix; 40,74% exprimés; 64 sièges
Liste
Marine Le Pen
395 481 voix; 10,11 % exprimés; 15 sièges
Ca
y est, l'essai du premier tour vient d'être transformé
! La carte de France des régions a viré au rouge, Alsace
exceptée. Comment nos candidats ont-ils vécu ce "21
avril à l'envers"? Nous allons tenter de transcrire dans
cette page la diversité des réactions suscitées
d'un bord à l'autre de l'échiquier politique...
La
journée du premier tour vécue par les candidats (PS
- UMP - FN)
PS
UMP
FN
Esquisses
d'analyse de l'impact des élections
LA
JOURNEE ELECTORALE VECUE PAR LES CANDIDATS
PS
: Paris gagné !
Petit
exercice d'imagination : tentons un instant de nous replonger dans
l'esprit de dimanche après-midi. Rien n'est encore joué.
Le suspense est absolument total. On pressent des résultats
au coude à coude, " ce sera serré ". Il faut
faire un effort, oublier les résultats, revenir en arrière,
avant le dénouement : tension, inquiétudes, espoirs.
Le moral d'Artur oscille. Patience, il n'est que 18 heures.
Après avoir passé la journée à parcourir
le département de bureau de vote en bureau de vote -Artur en
aura vu une trentaine, mêmes personnes, mêmes paroles
échangées, mêmes lieux que dimanche dernier, lors
du premier tour- Artur s'apprête maintenant à voter.
Son visage est tendu, " tant que je n'ai pas encore accompli
mon devoir civique, je ne me sens pas bien. On ne sait jamais, s'il
m'arrivait quelque chose avant que je n'aie pu déposer l'enveloppe
dans l'urne
Chaque voix compte ". Le bureau où vote
Artur est installé dans l'école de Comperey. C'est là
qu'il a toujours voté. Ambiance familiale : la sur d'Artur
est assesseur, tout le monde se connaît, et malgré les
querelles politiques, l'humeur est joviale. Mais l'heure tourne, et
les visages se crispent. On parle moins fort, le calme s'installe.
" Mesdames, messieurs, le scrutin est clos ! ". Gestes habituels
: on compte, on signe, on vérifie, on recompte. Et le refrain
commence : " Copé, Huchon, Huchon, Le Pen, Huchon, Copé
". Le téléphone d'Artur sonne. Depuis un quart
d'heure il se doutait, mais n'osait pas encore y croire. Une amie
de Paris l'avait appelé " On aurait gagné, mais
rien n'est sûr. On raflerait 20 régions sur 22 ".
Mais Artur reste calme, toujours inquiet. Il est tellement tendu qu'à
plusieurs reprises il n'entend pas son téléphone sonner
dans la poche de sa veste. Et puis soudain, en voyant la pile des
bulletins " Huchon " grossir sur la table du dépouillement,
Artur réalise. Il commence à sourire, pas encore franchement.
Il prend des notes sur son petit carnet, fait des calculs. "
J'y crois pas ! Normalement, ici, c'est un bureau de droite. Et on
est en tête ! " Les résultats sont désormais
certains : Comparey a voté Huchon : le PS bat Copé sur
ses terres : 258 pour la liste d'Artur, contre 238 pour l'ancien maire
de Meaux.
Et là tout s'enchaîne. Le téléphone d'Artur
sonne en permanence, les informations se recoupent, la rumeur est
de plus en plus fiable. Il quitte le bureau de vote local. Direction
la mairie de Meaux. Les résultats ne sont pas encore tous remontés
vers cette centrale. Artur court de bureau en bureau. " Combien
avez-vous dit ? Ca se confirme ! ". Il passe en coup de vent
chez lui. Boire un peu de limonade, zapper entre 2 émissions
électorales, mais il ne mange rien, " jamais les soirs
d'élections ". France Info, dans la voiture, lui donne
les tendances nationales : ce ne serait pas 20 régions sur
22, mais 21 ! La victoire absolue ! Artur a soudain le sentiment de
vivre " à 100 à l'Heure ". A Chauconin, où
tous les militants socialistes du coin se sont donné rendez-vous,
l'ambiance est enivrante. Sur fond de pâté, rillettes,
chips et vin rouge, les gens s'embrassent, se félicitent. "
On les a eus ! on a achevé la bête ! ". Ça
entre, ça sort, personne ne tient en place. Artur reçoit
un énième coup de fil, son visage rayonne, il se met
debout à l'entrée de la salle et crie la nouvelle à
tous les militants rassemblés : " On a gagné le
conseil général ! le conseil général passe
à gauche ! ". La joie est désormais totale.
Ému, Artur quitte ses amis pour se rendre à Paris. "
Je suis au bord des larmes, quand on est là, tous ensemble
On l'a tellement attendue cette victoire, mais là c'est plus
que ce que j'aurais pu imaginer ! "
À Paris, autre ambiance, autres compagnons de politique. Sans
transition, les pâtés maisons de Chauconin ont laissé
la place aux plateaux d'huîtres de la Coupole. Artur est un
peu sonné, encore un peu décalé, son cur
est resté avec les militants de Meaux, tandis que Nicole Bricq
(l'ancienne députée PS de Seine-et-Marne), qui l'accueille
dans le grand restaurant parisien, parle déjà présidentielles,
luttes d'influence
Le local est soudain confronté au
national. Artur s'étonne : " mais pourquoi tu me parles
de 2007 ? on n'y est pas ! ". Son idéalisme lui donne
des allures de naïf, mais ça ne durera pas longtemps.
Lui qui se sentait incapable de manger quoi que ce soit en ce jour
d'élections se met vite à la mode parisienne. Il commande
une salade. Jean-Paul Planchou, à côté de lui,
en complet sombre à rayure, cravate rouge bordeaux, fume un
gros cigare et fait tourner l'armagnac dans son verre
allure
de lord anglais. On est loin de Chauconin
Pour Artur la nuit sera courte : il part rejoindre Jean-Paul Huchon
et toute son équipe qui dansent aux Bains-Douches
folle
nuit parisienne pour le Meldois !
L'UMP
et la France voient rouge
Deuxième
tour des régionales en Ile de France : pour l'UMP, l'enjeu
est important, car conquérir la région permettrait de
rendre la victoire probable de la gauche au plan national un petit
peu moins éclatante.
Le rendez-vous avec Delphine est fixé à 17 heures dans
le bureau de vote du lycée Jules Ferry, où elle est
assesseur depuis le début de la journée. Pale et fatiguée,
celle-ci semble accuser le coup des péripéties qu'elle
a connues durant les derniers jours de la campagne : une partie des
électeurs du neuvième et du dix-huitième arrondissement
n'avaient en effet reçu que les bulletins de vote de Jean-Paul
Huchon et Marine Le Pen, celui de Jean-François Copé
ayant été malencontreusement oublié
Improvisation
de nouveaux " boitages ", réunion au siège
de l'UMP pour aviser et déposer un recours : bref, les derniers
moments de campagne n'ont pas été de tout repos pour
notre candidate.
Mais l'heure est désormais à la sanction par les urnes
de ces trois mois de terrain : les électeurs auront-ils été
sensibles à la campagne menée par l'UMP à Paris
? A 18 heures, Delphine n'a toujours aucune idée des tendances.
La participation semble plus forte, mais impossible de savoir si c'est
pour infirmer ou confirmer le vote sanction de la semaine dernière.
Néanmoins, elle constate que souvent, " une plus forte
participation signifie vote de protestation contre le gouvernement
en place ". De 19 heures à 20 heures 30, Delphine est
auprès de Dominique Versini pour l'aider à collecter
les premières prévisions, les premiers résultats.
Nous n'assistons pas à cette réunion à huis clos
mais la rejoignons à la Mairie du neuvième arrondissement
à 21 heures. Comme la semaine dernière, il s'agit d'observer
en temps réel les résultats de l'arrondissement, qui
tombent bureau de vote par bureau de vote. Mais cette fois, Delphine
est invitée à consulter les premiers résultats
sur l'intranet de la Mairie, dans la salle du Conseil ; les résultats
officiels lui seront communiqués plus tard. La défaite
écrasante de l'UMP sur le plan national est analysée
par les commentateurs de France 2, sur l'écran géant
qui retransmet la chaîne dans la salle du conseil de la Mairie.
La candidate UMP reste muette devant les résultats et la défaite
certaine de Copé en Ile-de-France, mais son visage livide en
dit long sur ce qu'elle peut ressentir. Les candidats et sympathisants
socialistes arrivent pour fêter leur victoire, Delphine, elle,
reste à attendre les résultats définitifs du
neuvième. Enfin, le maire arrive pour communiquer les chiffres
officiels : 51,56 % pour Jean-Paul Huchon, 43,26 % pour la liste UMP-UDF,
5,17 % pour la liste de Marine Le Pen. Après avoir été
publiquement saluée par le maire, Delphine se presse de quitter
les lieux, mais avant cela, elle assiste à la projection de
la " France rose " sur l'écran, symbolisant l'éclatante
victoire de la gauche à ces élections. Le résultat
est applaudi à tout rompre par la salle, devant Delphine qui
" ne desserre pas les dents ".
S'adressant à un jeune militant UMP venu s'enquérir
des résultats, elle murmure " c'est un gag, ça
doit être un gag ". Puis elle tente d'expliquer les raisons
de la défaite : " ce ne sont pas des résultats
à signification locale, c'est un vote de mécontentement
contre le gouvernement. Je suis surprise par ce vote. C'est difficile
de le comprendre ". Le jeune militant avance : " il faut
certainement se rapprocher plus de l'électorat populaire ".
Au siège de l'UMP, où Delphine termine la soirée,
les mines des chefs de listes sont graves. Les jeunes militants sont
moins nombreux que la semaine dernière, quand l'espoir était
encore permis. Devant l'écran télé où
défilent les visages de Ségolène Royal ou Elisabeth
Guigou, les commentaires vont bon train : " ah, maintenant, ils
n'ont pas fini d'être arrogants ". " Qu'on les laisse
faire les réformes dont la France a besoin : quand c'est la
gauche, il y a toujours peu de manifestations ", confie, désabusé,
un militant. Delphine, quant à elle, est déjà
montée dans les bureaux de l'UMP, pour une réunion de
crise après cette lourde défaite
Le FN, entre déception et résignation
Pour
ce deuxième tour, Dominique a choisi de regarder les résultats
à la télévision. Pour le Front National, ce n'est
pas très bon, surtout en Ile-de-France où Marine Le
Pen n'obtient que 10,11% des suffrages, soit moins qu'au premier tour
(12,26%). Qu'à cela ne tienne, c'est avec un grand sourire
qu'il arrive au " Paquebot " vers 21h45. Pour lui, l'essentiel
est que le Front National soit définitivement installé
dans le paysage politique français, et le score d'Ile-de-France
s'explique aisément : " nous avons été victimes
de la méconnaissance des Français qui ne savaient pas
que nous étions au deuxième tour et surtout qui n'ont
pas compris le nouveau mode de scrutin, croyant qu'on ne pouvait avoir
aucun élu. "
Un peu court comme explications, mais Dominique n'en dira pas plus.
Même s'il refuse de se réjouir de son cas personnel -il
est élu conseiller régional -il obtient son premier
mandat électoral et ne peut que s'en montrer satisfait.
Au " Paquebot ", l'ambiance oscille entre résignation
et franche déception. Personne ne s'attendait à faire
un très bon score en Ile-de-France après les résultats
du premier tour, d'où une certaine indifférence observée
chez nombre de candidats. En revanche, certains militants affichent
des visages défaits, une femme a ainsi bien du mal à
contenir ses larmes : " On a tellement boîté, tracté,
collé
", se désole-t-elle.
Mais dans l'ensemble peu de gens commentent le score de Marine Le
Pen. Deux écrans de télévision ont été
installés mais personne n'écoute vraiment ce qui s'y
dit, sauf quand la tête de liste intervient, et encore le silence
a bien du mal à se faire. Il faut attendre la visualisation
effective des résultats (la carte rouge dont émerge
à peine l'Alsace) pour que l'assemblée se réveille
et siffle la nouvelle configuration régionale.
Les commentaires se font alors plus nombreux
mais ne sont pas
forcément ceux que l'on attendrait. Beaucoup ressentent ici
une certaine satisfaction de voir l'UMP défaite, sur le mode
" bien fait pour eux ". Les commentaires qui reviennent
le plus souvent désignent avant tout l'UMP : " Ils n'ont
pas voulu de nous, de nos voix et de nos alliances, et bien voilà
le résultat ", " La droite se prend une vraie claque,
et j'en suis bien content ", ou encore " Ils se sont plantés
eux-mêmes avec leur réforme du scrutin ". Certains
même se réjouissent de la victoire de la gauche, car
leur ennemi est clairement identifié : " au moins les
choses rentrent dans l'ordre, des gens de gauche vont faire une politique
de gauche, c'est normal. " Pour ces personnes, il vaut donc mieux
une politique de gauche clairement affichée qu'une politique
de droite trop modérée
Vers 23h15, Marine Le Pen fait son apparition. Le discours est bien
rôdé, elle l'a déjà martelé sur
les plateaux de télévision. Fustigeant la " propagande
éhontée en faveur du vote utile ", elle se réjouit
néanmoins du maintien du nombre de conseillers régionaux
(effectivement, le FN garde un nombre similaire de conseillers, mais
elle oublie de dire qu'en 1998, avant la scission mégrétiste,
les conseillers FN étaient deux fois plus nombreux) et promet
une opposition active et vigilante du Front national contre les "
magouilles de l'UMPS ".
Les journalistes se dépêchent de ranger leur matériel
pour aller au Parti socialiste. Il n'y aura pas eu de " 21 mars
", encore moins de " 28 mars ". Mais les résultats
d'Ile-de-France ne doivent pas occulter la situation nationale, où
même s'il ne progresse pas autant que précédemment,
le Front National confirme son implantation géographique.
ESQUISSES
D'ANALYSE
A gauche...
Une fois éloignés les cris de victoires, les commentaires
se sont faits plus modestes: "Ce n'est pas un retour en grâce"
notera le député socialiste Jean-Christophe Cambadélis,
"mais plutôt la fin de la disgrâce". Le succès
des socialistes ne semble pas être un vote d'adhésion
mais plutôt un vote sanction, faisant de la gauche "l'instrument
de la colère du peuple" selon le même Jean-Christophe
Cambadélis.
Quel peut donc être l'impact à moyen terme de ces élections
régionales ? La "France des Régions", inventée
au soir de son triomphe par Ségolène Royal, peut-elle
devenir une sorte de "France d'en bas" repeinte en rose,
qui s'orienterait frontalement aux orientations du gouvernement Raffarin?
Cette perspective, évoquée par le PS après sa
victoire aux élections régionales et cantonales, ne
correspond pas vraiment à la complexité des institutions
françaises.
En effet, si l'angle d'attaque essentiel de la politique gouvernementale
porte sur les questions sociales (pauvreté, précarité...),
celles-ci ne relèvent pas, pour l'essentiel, des compétences
des régions. Elles n'ont pas, par exemple, la capacité
de redonner leurs allocations-chômage aux chômeurs, et
encore moins la possibilité de "corriger", à
l'échelon local, la réforme des retraites. Les présidents
des conseils régionaux ne peuvent changer, chez eux, la moindre
virgule du code du travail, ni peser dans les négociations
entre les partenaires sociaux.
Le projet de loi en cours de discussion sur les "responsabilités
locales", qui transférera aux collectivités de
nouveaux pouvoirs, ne changera pas cette situation. En revanche, les
régions peuvent peser sur l'emploi, en soutenant l'activité
économique, en facilitant l'implantation ou l'activité
des entreprises. Par exemple, pour protéger leurs populations
contre la "casse" sociale liée à la multiplication
des plans de licenciements, les régions peuvent jouer, notamment,
de leurs subventions aux entreprises. Les régions disposent
également d'un levier puissant pour infléchir certaines
politiques nationales. Dans le cadre des contrats de plan votés
pour six ans, elles codécident avec l'Etat des grands investissements
stratégiques : transport, lycées, aménagement
du territoire, environnement... Dans ce cadre, elles sortent souvent
de leurs attributions théoriques. Ainsi, la région Ile-de-France
construit des maisons de retraite et participe au projet de désamiantage
de la faculté parisienne de Jussieu. Et toutes sont associées
à des programmes d'investissement de la politique de la ville.
A droite...
Et
les responsables de la droite, quid de leur réaction à
ces résultats? Le président
de la République, pour sa part, s'est de lui même présenté
comme irresponsable - aux termes de la constitution. Quatre jours
après la déroute électorale de son camp et au
lendemain de la reconduction à Matignon d'un premier ministre
pourtant sévèrement désavoué par les urnes,
telle est la démonstration qu'il s'est efforcé de faire,
jeudi 1er avril, en s'adressant aux Français.
Le chef de l'Etat a dressé un réquisitoire cinglant
de l'action conduite par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin au
cours de ces derniers mois, ce qui peut sembler pour le moins paradoxal,
vu que le premier ministre a toujours admis que c'était le
président lui même qui "fixait le cap de la politique
du gouvernement". Ainsi, seule la réforme des retraites
a trouvé grâce aux yeux de Jacques Chirac. Tous les dossiers
qui ont ensuite nourri l'inquiétude ou l'exaspération
sociale - puis la sanction électorale - ont fait l'objet, de
sa part, de jugements sévères ou sans appel.
Ainsi, la réforme de l'allocation spécifiques de solidarité
qui concernait les chômeurs en fin de droit aura été
"douloureusement ressentie" a constaté le chef de
l'Etat, qui a donc demandé au gouvernement sa suspension. Pour
ce qui est de la réforme du régime d'assurance-chômage,
ses "conséquences ont été mal appréciées"
et le gouvernement doit "trouver la solution". La malaise
des chercheurs? Il est tout simplement "justifié"
et le problème de postes qui l'a envenimé devra être
réglé. Quant à la réforme de l'assurance-maladie,
le président de la République a récusé
qu'elle soit conduite grâce à la procédure des
ordonnances comme le gouvernement prévoyait de la faire.
Que peut-on attendre du nouveau gouvernement mis en place? On peut
penser que Jean-Pierre Raffarin, n'ayant plus rien à perdre,
saura trouver le courage politique de mener à terme les réformes
nécessaires.
Sachant que son gouvernement sera composé de quatre super-ministères
directement connectés à l'Elysée, il risque d'être
cantonné à un rôle d'animateur de réseau
ou de chef d'orchestre chargé de faire régner l'harmonie
entre les quatre poids-lourds de sa nouvelle équipe. Quant
à Jacques Chirac, qui lui risque de perdre la postérité,
on peut espérer qu'il saura influencer le gouvernement afin
que celui-ci mette de l'eau dans son vin et n'oublie pas d'intégrer
des notions telle que la justice sociale ou la modération dans
les changements qu'il sera amené à imposer à
la société française.
LA
PREMIERE SEANCE DU CONSEIL REGIONAL, ABOUTISSEMENT DE LA CAMPAGNE
C'est
le jour de la consécration pour la coalition de gauche emmenée
par le Président socialiste sortant de la région Jean-Paul
Huchon. Après la victoire au second tour des régionales
en Ile-de-France, la gauche jouit désormais d'une majorité
absolue au Conseil régional. La première séance
du nouveau Conseil est l'occasion de faire ou re-faire connaissance
pour les conseillers fraîchement élus ; c'est aussi et
surtout le jour de l'élection du " nouveau " Président
du Conseil régional, ainsi que celle des membres de la commission
permanente (les membres de la commission permanente sont chargés
de discuter des projets avant que ceux-ci ne soient proposés
en assemblée plénière).
Avant l'ouverture de la séance, les conseillers élus
par les franciliens conversent autour d'un buffet dans la salle attenante
à celle du Conseil. Certains, hésitants ou fiers, font
leurs premiers pas dans les locaux, d'autres, comme Jean-Paul Huchon
ou Marie Richard, sont à leur aise dans ces lieux qu'ils connaissent
bien. Parmi les 201 conseillers présents, nous retrouvons Dominique
Joly, candidat du Front national dans le Val de Marne, qui est le
seul des candidats suivis par nous ayant été élu
conseiller régional. Cette première session est l'occasion
pour lui de prendre ses marques et de discuter avec ses collègues
du parti de la conduite à tenir lors du vote pour la présidence
du conseil. Une sonnerie retentit : c'est l'entrée des conseillers
dans l'hémicycle et le début imminent de la première
séance du nouveau Conseil. Les élus sont placés
par ordre alphabétique. Pendant quelques instants, les cameramen
et photographes ont été autorisés à rentrer
dans l'enceinte pour saisir les réactions des personnalités
présentes. Jean-François Lamour et Jean-François
Copé, premier conseil des ministres du gouvernement Raffarin
III oblige, ne resteront que quelques minutes. Jean-Paul Huchon, sourire
aux lèvres, fait le tour de l'hémicycle, s'attarde auprès
de ses collègues socialistes, embrasse Marie-Georges Buffet
puis s'entretient avec Marine Le Pen et lui serre la main. André
Santini, du haut de la salle, fait déjà rire certains
de ses collègues avec quelques bons mots.
Vient alors l'élection du Président du Conseil ; seuls
le FN et la gauche proposent un candidat. L'union de droite UMP-UDF
a décidé de ne pas se présenter et ne prendra
pas part au vote. C'est sans surprise que Jean-Paul Huchon est élu
Président de la Région, avec 128 suffrages, contre 15
pour Marine Le Pen. Dans sa première déclaration, M.
Huchon définit le 28 mars 2004 comme " le Printemps des
régions ", mais souligne également que " cette
victoire est une expression de crainte et de souffrance ". Il
souhaite être " le Président de tous les franciliens
sans exclusion ", et affirme qu'il travaillera " dans le
respect de l'opposition ", et ceci " malgré la majorité
absolue " conférée à la gauche après
le second tour des élections.
Aboutissement de trois mois de campagne, cette journée est
amère pour les vaincus, même si André Santini
est comme à son habitude très en verve en ce vendredi
matin. La gauche et son président savourent ces quelques moments
de répit avant la reprise du travail dont les ont chargés
les franciliens. Le groupe FN, quant à lui, à l'image
d'un Dominique détendu et souriant malgré les résultats
très moyens de son département -tête de liste,
il en est le seul élu-, semble se satisfaire des résultats
du nouveau mode de scrutin, qui lui permettent de siéger au
Conseil d'une des régions les plus convoitées de France.